Un instituteur pendant la guerre, Louis Jourliac


Lorsqu'il arriva à Saissac avec son épouse, en Juillet 1942,
Louis Jourliac
ne pensait pas y rester longtemps.

Tout fraichement diplômé, il venait d'être affecté comme nouvel instituteur dans notre village,
en charge des grands en passe de présenter le certificat d'études.


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Malgré un logement limite insalubre,
les 13 années qu'il passa à Saissac furent, selon ses dires, les plus heureuses de son existence.
Il y garda de fortes attaches,
si bien qu'en 2009, il y revint en "pélerinage" à l'invitation de ses anciens élèves. 

L'occasion pour nous de retranscrire ici son témoignage sur ce qu'était alors,
en pleine guerre, une journée à l'école publique.

L'occasion aussi et surtout de remercier cet instituteur de village
qui avait dévoué son temps à tous ses élèves.
Un dévouement et des résultats reconnus en 1949 par le conseil municipal de l'époque
qui lui allouera une gratification exceptionnelle.


Gratification du Conseil Municipal (10 Sept 1949)

Monsieur le maire fait connaitre les résultats obtenus par les élèves des écoles publiques aux divers examens de fin de cours,
cinq élèves reçus sur cinq présentés.
Ces résultats sont dûs pour une grande part au dévouement et au zèle déployé
par monsieur Jourliac Louis, instituteur,
qui se dépense sans compter pour donner aux enfants une instruction toujours plus étendue.
Il propose au Conseil, qu'en signe de reconnaissance,
il soit alloué à monsieur Jourliac une gratification de 200 francs par élève reçu.

Le conseil municipal, ouï l'exposé ce-dessus, décide d'allouer à notre instituteur,
pendant tout le temps que ce maitre exercera ses fonctions dans la commune,
une gratification annuelle pour chacun des élèves reçus aux divers examens.
Cette gratification sera équivalente à celle versée aux élèves sous forme de livret de caisse d'épargne.
Pour l'année 1949, elle sera de 1000 francs.



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Ses retrouvailles avec ses anciens élèves


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Une partie de sa carrière à l'Ecole de Saissac

Mme le Maire, mes amis,

Ce jour est pour moi la réalisation d'un vieux rêve.
Il y a quelques années, j'avais demandé à notre regretté Paul Durand,
d'envisager de réunir les anciens élèves de l'école de Saissac.
Mais pris par de multiples occupations, il n'avait pu réaliser ce projet.

Et je remercie tous ceux et celles qui l'ont mené à bien,
notamment Alice Brunet et Pierrot Brazier.

C'est donc en juillet 1942, que jeunes mariés, mon épouse et moi même, prenions possession du logement de fonction
mis à notre disposition par la même municipalité d'alors.
Quelle déception !
Les locaux longtemps inoccupés, ancien dépôt des produits du syndicat agricole,
étaient sales, vétustes, sans eau courante.
Bien sûr, c'était la guerre et le budget municipal ne pouvait supporter les frais d'une remise en état.
Heureusement, l'accueil de la population fût encourageant.
Les habitants étaient chaleureux, serviables, attentionnés et en pleine restriction,
nous ne manquâmes jamais ni de pain, ni de viande, ni de pommes de terre.

En 1955, nous quittâmes Saissac,
la famille comprenant maintenant deux garçons, pour une école de quartier à Carcassonne.

Ces 13 années, même vécues dans un logement inconfortable,
toutefois aménagé au fil des ans, n'en demeurent pas moins les plus heureuses de notre existence.

L'école, ancien hospice, comprenait 3 niveaux :
section enfantine et cours préparatoire, classe des moyens et classe des grands dont j 'héritais,
comprenant une trentaine de garçons et de filles de 10 à 14 ans, âge du redoutable certificat d'études
qui touchait à toutes les disciplines, épreuves qu'affrontaient ceux et celles
qui n'étaient pas aptes à continuer leurs études.

Je vais maintenant vous inviter à revenir à l'école : Il est 9 h.

Psalmodiant la table de multiplication en montant l'escalier, nous pénétrons dans la classe.
Déjà les élèves de service ont rempli leur office avec plus ou moins de zèle.
En hiver, le poêle allumé tôt par mes soins,
ronflait pour que les enfants venus de loin, de Marsillargues, de Bataillé ou de l'Albéjot
puissent réchauffer leurs doigts bleuis par le froid.

Prise en charge des corrections sur le cahier de classe et copie du programme,
liste des leçons du jour, exercice loin d'être passif car demandant application et attention. 
Puis leçon de morale,
débutant par une lecture conduisant à l'élaboration en commun d'une belle résolution
aussitôt transcrite sur le cahier.
Leçon de calcul
et exercices d'application pour les cours moyens et activités inverses pour les grands.
Suivait un travail commun d'écriture
avec reproduction du modèle figurant au tableau noir.
L'entreprise faisait tirer la langue car, ne l'oublions pas exécuté à l'encre violette et à la plume d'acier,
sergent major pour les mains lourdes, gauloises pour les autres.

Récréation. J'allumais une cigarette.

Venait alors la redoutable dictée préparée ou de contrôle,
avec correction commentée et rappel des principales règles de grammaire.
Des questions clôturaient la matinée
et la troupe s'envolait pour l'inter-classe de midi à 14 heures.

L 'après midi, leçon de choses pompeusement appelées Sciences.
Le maître devenait alors magicien maniant tubes à essais, ballons, flacons au contenu mystérieux,
le tout résumé par quelques croquis sur le cahier prévu à cet effet.
Venait ensuite le calcul mental
sur l'ardoise, épreuve peu appréciée, se déroulant dans un nuage de poussière de craie.
Puis la lecture individuelle à haute voix,
exercice lénifiant quand le lecteur ou la lectrice ânonnait.
Selon le jour, histoire ou géographie
avec pour point de départ l'examen d'une gravure ou d'une carte,
reproduction du tracé d'un fleuve ou d'une montagne et inscription d'une date sur un petit carnet,
véritable bréviaire ou figuraient aussi des formules arithmétiques et de géométrie.
Copie des devoirs et leçons pour le lendemain
et récréation du soir.

Dès la reprise, correction des devoirs de la veille,
couture pour les filles avec Mme la Directrice et travail manuel pour les garçons.
Sauf pour les élèves en retenue, en raison d'une leçon non sue ou devoir à refaire,
la journée de classe s'achevait.

A noter que le soir du jour de l'ouverture de la pêche,
il n'y avait pas de punis, j'avais trop hâte d'aller taquiner la truite avant l'arrivée de la nuit.

Je souhaite que ces quelques flash sur la vie scolaire vous rappellent des souvenirs
qui seront les sujets de vos conversations.

Je ne saurais terminer sans avoir une pensée pour ceux et celles qui nous ont quittés et qui auraient été des nôtres aujourd'hui.
Pour honorer leur mémoire, je vous demande d'observer une minute de silence.

Louis Jourliac 13 Août 2009



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