Journal de bord de l'Azérou - La fenaison
- Par Erick FANTIN
- Le 10/11/2021
- Dans Vieux papiers
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Par Jean Michel
"La métairie de l'Azerou à Mademoiselle Benazet avait été léguée par celle-ci à l'hospice de Saissac. Des métayers, les Arribaud en assuraient l'exploitation et tenaient un
« journal » qui se trouve aux archives de Saissac et que j'ai pu consulter. Beaucoup de renseignements fournis par ce journal ont été utilisés ici."
Les Arribaud métayers de l'Azerou
"- Quel bon vent t'amène, Victor, dit Antoine Arribaud ; métayer à Saigne-Villemagne à son ami notaire qui descendait de voiture.
- Je viens pour affaire, répondit Victor Besaucèle. Je suis chargé par Demoiselle Marie-Rose Bénazet, la fille de feu Clément de chercher
de nouveaux métayers pour l'Azerou et j'ai pensé à toi.
Après forces discussions, les deux hommes parvinrent à se mettre d'accord sur les grandes lignes d'un contrat.
Le premier point concret étant la désignation de deux experts pour estimer la valeur du troupeau.
Après de longues et nombreuses discussions le contrat fut signé.
Aujourd'hui,
la Fenaison
Dans l'herbe haute de la prairie du Cros, la ligne des faucheurs (dailhaîres) étage de biais son échelon ascendant.
Elle se meut avec une régularité symétrique,
commandée par celui qui a pris la tête de la ligne et que les autres doivent suivre.
Partis d'un bout, ils abattent horizontalement leur rangée, andain après andain,
d'un courbe et uniforme enveloppement de la faux (dailhe). Ils n'avancent pas droits mais de coté,
sans hâte, le corps se ployant à demi en oscillations balancées de droite à gauche sur les jambes arquées.
Par intervalles, l'un d'eux s'arrête, se redresse,
saisit la peïra a dalha et affûte le fil émoussé de sa lame.
Au repos il enfonce en terre sa petite enclume portative (la farguéta) et à petits coups de marteau, il rabat les inégalités du tranchant.
Cela s'appelle : picar la clalha.
Il prend la précaution dans les prairies en pente, de mettre le pied droit sur le bout du manche qui s'appuie sur le sol,
pour éviter que la faux ne glisse durant l'affûtage. Et si le sol est mouillé, il met le manche de la faux couché horizontalement
sur le revers du codier (étui de la pierre à aiguiser) qui est accroché à sa ceinture.
Derrière les faucheurs, les faneuses remuent l'herbe coupée (la pastura),
l'éparpillent et l'étendent à l'aide d'une fourche (la forca).
Puis elles la ratisserons et la mettront en tas pour la nuit, car si le foin restait épars il perdrait de sa couleur et de son odeur.
Antoine veille à ce que les faucheurs « rasent le tapis » la partie la plus nourrissante de l'herbe se trouvant près du sol. On reconnaît le foin sec à ce qu'il devient cassant.
A ce moment, on peut l'entasser sur les charrettes.
C'est tout un art que de faire un « voyage ». Dans l'échevellement du fourrage, sous un ciel de feu,
le jeune fils d'Antoine fait aujourd'hui son premier chargement.
Tendant les mollets, les bras nus jusqu'aux coudes, il se lance à grands bras ouverts
sur les fourchées que lui envoie sa soeur. Il lui semble saisir à brassées des rais de soleil
et des lambeaux de la pourpre usée des couchants. Des essaims de papillons se promènent, des oiseaux traversent l'immensité bleue.
Peu à peu il réussit à bâtir son chargement.
Antoine prend 1"ahulhada (aiguillon) et regarde son fils. Tu y es : Hue Caplatte, hue Brunette !
Les deux vaches tirent sur le joug, la charrette part, cahotant à chaque ornière.
Tout le chargement va-t-il se démolir.
Non, la charrette a franchi le béal sans que rien n'ait bougé.
Annado de fen, annado de ren,
Année de foin, année de rien
Les anciens pensaient que l'abondance de foin présageait un rude hiver et que par contre s'il y en avait peu,
l'hiver, serait plus court et les bêtes pourraient sortir plus tôt.
On voit sur cette photo, les trois gestes des faucheurs.
Le piquage qui consiste à amincir le tranchant en le battant avec un marteau sur une petite enclume
L'aiguisage fait avec une pierre mouillée tirée de son coffin et enfin
la coupe - passages successifs de la faux décrivant des arcs de cercles concentriques.
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