Journal de bord de l'Azérou - Le berger et son troupeau
- Par Erick FANTIN
- Le 11/06/2022
- Dans Vieux papiers
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Par Jean Michel
"La métairie de l'Azerou à Mademoiselle Benazet avait été léguée par celle-ci à l'hospice de Saissac. Des métayers, les Arribaud en assuraient l'exploitation et tenaient un
« journal » qui se trouve aux archives de Saissac et que j'ai pu consulter. Beaucoup de renseignements fournis par ce journal ont été utilisés ici."
Les Arribaud, métayers de l'Azerou
"- Quel bon vent t'amène, Victor, dit Antoine Arribaud ; métayer à Saigne-Villemagne à son ami notaire qui descendait de voiture.
- Je viens pour affaire, répondit Victor Besaucèle. Je suis chargé par Demoiselle Marie-Rose Bénazet, la fille de feu Clément de chercher
de nouveaux métayers pour l'Azerou et j'ai pensé à toi.
Après forces discussions, les deux hommes parvinrent à se mettre d'accord sur les grandes lignes d'un contrat.
Le premier point concret étant la désignation de deux experts pour estimer la valeur du troupeau.
Après de longues et nombreuses discussions le contrat fut signé.
Aujourd'hui,
Le berger et son troupeau
Les landes, terres vagues et garrigues qui occupent une grande partie de l'Azerou,
les terres laissées en jachère,
ne peuvent être utilisées que pour la paissance.
Le produit brut du troupeau représentent le tiers
du produit total de la métairie.
Les troupeaux vont paître dans les prés arrosables jusqu'à la fin de février,
époque où l'on met l'eau dans les champs.
Dans ceux qu'on ne peut arroser, la pâture dure neuf mois.
L'hiver le troupeau consomme le broust pointe des genets qui se montre au-dessus de la neige, et la feuillée fruit des émondages d'été et du foin.
Les agneaux sont conduits dans les bois à la première feuille qui suit la coupe de la forêt.
A l'Azerou on entretient trois brebis par hectare.
Jean, le berger de l'Azérou
Jean est le berger de l'Azerou.
Son troupeau est composé de 290 bêtes à laine. Brebis pleines (preips) ou stériles (manos), moutons (motons), béliers (marros), agneaux et agnelets (anhels)
parmi lesquels on distingue un (anhel de lach) agneau d'un an, l'agneau qui a mangé (anhel de camp),
la brebis qui n'est pas encore mère (cordera) et l'agneau préféré du berger (maïnatge).
Les noms des brebis sont formés d'après la nuance de la toison, la forme et la position des cornes,
le caractère de l'animal: valenta alerte et vive, cornuda cornue, colomba sans tâche, lobeta comme le loup.
Ici Jean avec son fouet, sa cape portée au moyen d'un bâton sur l'épaule
et la besace de toile qui permet le transport de petits agneaux
Le bon pastre fa le bon aver.
Le bon berger fait le bon troupeau.
Il connaît tout son troupeau, non seulement les mères, mais aussi tous les agneaux. Il sait réunir le fils et la mère.
Souvent les naissances ont lieu par mauvais temps.
Dans la bergerie, les mères refusent d'allaiter, Jean prend alors l'agneau qui pleure de faim, cherche sa mère,
la conduit dans un recoin et remet l'agneau sous la mère et réussit à le faire téter.
Il connaît les maux qui affligent son troupeau.
En principe après ses cinq mois de gestation chaque mère se débrouille pour mettre au monde son petit.
Mais parfois cela se passe mal, Jean devient alors accoucheur, redresse l'agnelet, permet la délivrance.
Parfois un agneau à peine né a une démarche raide et va la tête basse. On dit qu'il a les cornes.
Pour le guérir, Jean sait qu'il doit trancher un tendon entre l'épaule et le cou.
Lors des premières sorties printanières,
l'herbe nouvelle est dangereuse et provoque la gonfle des bêtes. Il faut à tout prix faire uriner la bête malade.
Jean prend alors une branche fourchue de genet vert,
place le bois sur la nuque derrière les oreilles et forme avec les feuilles une sorte bâillon qu'il noue entre les dents,
ensuite il ne se gêne pas ! Il l'arrose avec son urine. Au bout d'un moment la malade commence à saliver puis à cracher et finit par faire un rôt.
La voilà guérie.
Pour la gale, Jean a un remède particulier. Il prend 50 centimes de tabac, Chez Mr Viole le pharmacien,
du vif argent avec du vert de gris, de l'arsenic blanc et de la sivavelle.
Il mélange le tout dans deux litres d'huile d'olive et en enduit les peaux.
La cachexie ou pourriture provient d'une nourriture trop humide ;
Il faut donner aux bêtes un peu de fourrage sec avant de les conduire dans les endroits trop arrosés.
La feuille ou l'écorce de saule ou de l'osier, guérissent ou préviennent la cachexie.
Les bêtes à laine disposent dune vaste bergerie
avec deux grandes portes qui permettent les sorties en masse dont elles sont coutumières.
Elle est éclairée par une lampe à huile.
Jean est aidé dans son travail par Pierrou le valet de ferme et ses chiens farous, Pastou et Loubet.
Lé farou me bal un pastre
Le farou remplace un berger.
Garder un troupeau est tout un art.
Le berger doit juger de l'abondance de l'herbe, maintenir le troupeau si elle est abondante,
car les brebis ont tendance à avancer et à trop manger.
L'été on va au bois dont le feuillage constitue un appoint important.
On pâture dans les éteules qui recèlent quelques épis tombés ou oubliés par la faucille
et des herbes nées à la faveur d'une mi ombre. Mais en fin de journée d'un automne finissant, on passe à la prairie de farouch (esparcel) ou luzerne (auzerda).
Il faut voir comment les brebis se précipitent vers ces fourrages (pasturas) qui poussent si bien dans la Montagne Noire
depuis qu'on y a introduit le chaulage.
Mais Jean ne les y laisse que peu de temps, pas plus de 10 minutes.
Pour les faire sortir, il plante sa canne à l'orée du champ ou il fait un petit tas de cailloux « le quillat », y laisse un chien et va se mettre en face.
Le chien connait son travail, toute bête qui franchira cette barrière symbolique devra être refoulée.
Pastou à toi,
le chien jappe pour n'avoir pas à mordre.
Le chien tourne aussi le troupeau au commandement de biro lou
On lui confie aussi la mission de poursuivre
une coureuse (acotir una corriola)
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